Tout était calme dans la taverne. La nuit avait étendu son ombre noire et chassé la clarté depuis déjà deux heures, et Vigerfamflame ne trouvait toujours pas le sommeil. Assis sur une chaise en bois peu confortable il regardait au loin, fixant le vide, comme s'il attendait une réponse qui, il le savait, ne viendrait jamais. Les chandelles jetaient des ombres dansantes et difformes sur le mur, pareilles à des diables évadés de l'enfer et venus le tourmenter. Les bruits et les cris de vie de la taverne venant de la salle du bas lui parvenaient, mais ils sonnaient à ces oreilles comme des plaintes et des gémissements, comme si tout voulait lui rappeler l'atroce souvenir de cette journée marquée de rouge.
Il caressa, son fotome, pris une profonde inspiration et ferma les yeux.
Depuis trop longtemps il errait, seul et sans but par delà les contrées d’Amakna. Depuis trop longtemps il portait le fardeau de la culpabilité et du remords.
Il avait choisi l’exil et la solitude.
Il repensa à sa jeunesse, dans la ferme de ses parents, des gens simples qui travaillaient la terre pour un riche seigneur de Bonta. Pourtant, loin de se plaindre de leur condition, ils vivaient dans la gaîté et pour l'amour de leur enfant. Dans le village personne n’était riche, les gens travaillaient et vivaient au rythme des saisons, tous unis par l’amitié et la solidarité. Il repensa aux fêtes, ou tout le monde riait, s’offrant les présents que leurs maigres revenus permettaient d’acheter, et partageant le fruit de leur dur labeur. Il repensa à ses camarades de jeux, au temps ou une simple branche devenait une épée et où un monticule de pierre devenait la forteresse dans laquelle la princesse était détenue par quelques vils brigands.
Un sourire fugace ourla ses lèvres.
Tout ceci avait prit fin lorsque les bwork avaient rasé son village natal. Toute cette joie, cette vie, avaient brûlé en même temps que les champs et les maisons. Il n’avait fallu qu’une nuit aux pillards pour tout raser, détruire tout ce qui comptait pour lui.
Et il n’avait rien pu faire. Il n’avait pas été la pour protéger les femmes et les enfants, pas la pour sauver les récoltes et repousser les envahisseurs.
La culpabilité est une terrible chose et un fardeau qu’aucun esprit ne peut rationaliser.
Il était à ce moment en pèlerinage au temple sacrieur, et il n’apprit ce qui était arrivé que lorsqu’il revint sur les ruines encore fumantes de son ancien village.
Ayant tout perdu il devint une âme errante, et s’exila loin des gens et des villes. Pendant un temps il survécu par lui-même, chassant de quoi manger et dormant a la belle étoile. Comment aurait-il pu s’attacher a quiconque et prendre le risque d’être une fois de plus impuissant face au destin. Supporterait-t-il encore le fait de perdre des êtres chers ?
Mais le destin est facétieux et plein de surprises, et un jour qu’il chassait de quoi se nourrir il rencontra une petite Iop nommé Aluthiel. Il ne su jamais pourquoi, mais il décida de la prendre sous son aile, et de l’aider a affronter ce monde cruel. Peut êtres ses yeux pleins de joie lui rappelèrent-t-il le regard des enfants de son village, peut être voulait-il se prouver qu’il pouvait encore faire quelque chose de sa vie, peut être…..
Assis sur sa chaise Viger se fendit d’un petit sourire. Non, il ne supportait plus la solitude, le fardeau du remord était devenu insupportable, voila pourquoi il avait décidé de l’accompagner dans sa quête des Dofus.
Une vie de solitude et de tristesse n’est justement plus une vie, et la simple survie peut ramener le plus noble guerrier a l’état d’animal ne vivant que pour et par ses instincts, dans le but non avoué mais égoïste de survivre au dépend des autres.
Il devint donc son protecteur, et à travers elle il reprit le goût de vivre et rencontra de nombreuses personnes qui, s’il l’ignorait encore, prendraient une place importante et fondamentale dans son cœur et sa vie. Panglomin, Enarua, Troklefoot et Jiraiya.
Le temps passa et il apprit à revivre en société, il délaissa la chasse pour se consacrer à l’agriculture et à la boulangerie, pour pouvoir aider, a sa façon, sa nouvelle famille en leur fournissant de la nourriture. Il délaissa son rôle de protecteur pour devenir un ami, et décida de prendre sa vie en main.
Il fit alors une chose qui allait bouleverser sa vie, il décida de partir en quête de la tribu bwork qui avait détruit son village pour les massacrer et se venger, et il alla demander à Jiraiya de veiller sur Aluthiel. Cette décision si elle peut paraître futile pour tout un chacun fut le tournant de sa vie. Pour la première fois depuis la destruction de son village, il laissa la vie suivre son cours et le destin en faire a sa guise. Il cessa d’être le « protecteur » pour devenir « l’ami », et refoula toute la culpabilité qu’il avait en lui.
Il chercha longtemps les Bworks responsables du carnage. Il voyagea d’un bout à l’autre des royaumes, et quand finalement il revint auprès de ses amis il avait accompli sa vengeance. Il vécu de nombreuses aventures en leur compagnie et rencontra encore d’autres compagnons comme Bise Ardente et chin-chin.
Un jour, Panglomin lui proposa d’intégrer les poussières d’étoiles, une compagnie d’aventurier à la recherche des dofus dont il faisait partie ainsi qu’Aluthiel, Ena et les autres.
Viger ouvrit les yeux. Les bougies étaient a présent presque entièrement consumées. Il frissonna et passa la main dans ses cheveux bruns en bataille.
Il n’accordait guère d’importance à son apparence. Ses yeux habituellement d’un bleu profond étaient rougis par le sommeil, pourtant il le savait, il ne parviendrait pas à trouver le sommeil cette nuit. Le jour pointait presque a présent, les ombres menaçantes s’étaient retirés dans leurs demeures où jamais ne brille le soleil.
« La vie n’est pas faite pour être comprise, dit-t-il tout haut, mais pour être vécue ».
Il se leva et s’étira.
« Et a plusieurs c’est encore mieux » lança t’il en se fendant d’un large sourire.
Il réveilla son fotome qui lui s’était endormi comme un bienheureux et tous deux partirent a la rencontre des Poussières d’étoile.